La Slovénie, la voici sous nos pieds. De nouvelles coutumes, des tempéraments différents et de nouveaux paysages à découvrir ensemble. Plus de distance et de réserve et des paysages souvent boisés, impressionnants tant ils sont sauvages. Les loups au Nord, les ours au Sud et partout à la fois, la police.
Ayant traversés la frontière assez tard, on s'arrête juste après avoir dépassé un village. Je demande de l'eau à une villageoise qui a l'air gentille mais rechigne un peu à remplir mes bouteilles. En fait elle a un goût atroce, on s'en rend compte après. Pas sûr qu'elle soit potable, c'est Haku qui la boira. Je ne sais pas si Manisha en a déjà parlé, mais elle a un genre de doigt lumineux qui permet de purifier l'eau!
Nous campons dans une parcelle utilisée aux beaux jours pour accueillir kermes et festivités bucoliques. Il y a un frigo moisissant du dedans, un trampoline percé et un cerf-volant encore agrippé à l'arbre qui a interrompu son vol. Le gazon quant à lui est au stade idéal pour nos amis chevaux. Les gestes sont devenus routiniers et pour casser l'ennui, je m'occupe de retirer les chaussures à Tao. L'odeur est saisissante! L'endroit est bien encaissé, le bois est gorgé d'eau mais Manisha réussi quand même à nous faire partir un joli feu. Les nuits deviennent de plus en plus froides.

Ah oui, il y a aussi des balançoires sans balançoires
Levée de camp comme d'habitude, chacun sa mission, les doigts qui durcissent de froid et la pure joie au départ. Une nouvelle journée de marche avec son lot de rencontres en tout genre. Au premier village relativement désert, nous nous arrêtons au market faire le plein de provisions. Pour changer, c'est moi qui m'en charge. Manisha peut profiter des regards distants et amusés des badauds du coin pendant que j'achète 4,5 kg de viande pour le chien et presque rien pour nous car je ne comprends pas le système de pèse des légumes. Je me crois malin de remplacer les végétaux par un bocal de havjar aux cornichons, espérant en vain que le cornichon corrigera ce qui me gêne dans le havjar: trop d'huile, on croirait manger de la mayo. Quand je ressors, une voiture fait des aller-retour sur le parking pour que les enfants puissent bien observer les chevaux, de l'intérieur! En Italie ils seraient déjà en train de brosser Yaméa et de faire des câlins à Tao! On repart et croise un automobiliste qui nous propose son hospitalité. Hélas, une fois de plus, il est trop tôt pour penser à s'arrêter. On marche longtemps jusqu'à rejoindre une route assez grande mais peu fréquentée. Le long de cette route coule une rivière. A gauche et à droite, c'est la forêt. Rien d'autre sur plusieurs kilomètres qu'une petite écurie qui sera à peine trop loin pour nous. Nous élisons domicile dans un pré incliné qui semble faire l'affaire. Mais Yaméa y est très stressée, elle ne broute pas et scrute le lointain avec insistance. Je ne suis pas rassuré mais nous n'avons guère le choix, faisons un tour avec elle pour tenter d'identifier la source de ses craintes. Rien. Finalement elle se détend et mange comme Tao qui, de son côté, ne pense qu'à ça. A nouveau, c'est un miracle que le feu prenne mais nous n'en profitons pas longtemps car la pluie s'installe avec nous. Refuge dans la tente pour cuisiner puis ça se calme. Retour autour du feu, petit repas de nouvel an. Les repas sont toujours chauds le soir et ça passe bien. Il ne faut pas grand chose pour être heureux dans ces conditions. Je profite du cours d'eau qui file dans la forêt pour me laver les pieds, de temps en temps c'est quand même salvateur. L'eau est glaciale mais mes petons sont tout propres. Dans ma tête reviennent les paroles de nos hôtes italiens "Les chevaux sentent les dangers 3 ou 4 heures avant nous" ou "Tant que vous ne dormez pas dans la forêt, tout va bien". Je prends bien soin d'emballer à double tour la viande et m'endors sur mes deux oreilles malgré cette légère appréhension. Ce monde sauvage me fascine autant qu'il m'inquiète. Je convoque ma raison et surtout m'imprègne de la sérénité de mon aventurière de compagne. Malgré tout, ni les ours ni les fusées de nouvel an n'auront raison de mon repos.

Les photos rendent mal l'effet pluvieux
C'est la pluie qui, au réveil, nous souhaite la bonne année. Petit déjeuner au lit et au sec. La route est belle, sillonne entre les collines, nous y marchons seuls, dans un rapport au monde d'une profonde intimité. Comme des dimanches, les lendemains de jours de fête sont souvent empreints de ce lien privilégié, l'impression de fraternité avec les arbres, les ruisseaux et les animaux que l'on rencontre. Ils nous acceptent et partage leur beauté que nulle autre n'observe un premier janvier froid et pluvieux. Notre route croise un village silencieux. Je n'arrive pas à identifier ce qui, dans ces villages, les rend si slovènes. Peut-être le béton qui semble avoir été coulé d'un bloc. En fin de journée, il devient temps de chercher refuge. Les étendues d'herbe se font rares, il nous faut du foin. Manisha se force à toquer au hasard d'une porte. Une vieille dame ouvre mais referme presque aussitôt après quelques mots dans sa langue. Les gestes de Manisha n'y font rien. Nous reprenons la route et, dans une autre partie du village plus haut, croisons une seconde femme âgée. Celle-ci est plus curieuse et fait appel aux voisins. Ils comprennent nos besoins et sans attendre nous proposent une solution pour la nuit. Quelques manoeuvres de tracteur plus tard, les chevaux ont un abri sur la tête. La femme nous invite à manger avec elle, ou plutôt sous son regard car ici il parait que la tradition du repas en commun n'existe pas. Avant le repas, nous sommes accueillis dans le garage d'un voisin. Il a une machine à café comme dans les start-up, c'est la frime! Un latte machiato pour Manisha et un espresso pour moi. Il a l'air de trouver mon choix étrange. Sûrement pas assez gourmand l'espresso! La pièce m'en met plein la vue, il y a des trucs partout, des pneus et morceaux de moteurs dans un coin, des plaques de camion accrochées aux murs, des patates au fond et une table en plein centre jonchée de bouteilles, signe que ce garage sert aussi pour se rassembler. Très vite, l'endroit se remplit du voisinage. Les gens arrivent les uns après les autres, alertés par l'excitation. Ils sont très intéressés et admiratifs et nous racontent ce jour ou, sept ans plus tôt, une voyageuse s'était aussi arrêtée avec ses bêtes trois heures durant. Les versions varient, parfois accompagnée de deux mules, parfois d'un chien et d'un poney mais ce moment les a tous profondément marqué.
J'ai un fort sentiment de trouver dans cette ambiance la représentation que je me faisais des peuples slaves. Sensation encore plus prononcée lorsqu'après le repas, nous rejoignons les hommes du village qui fêtent dignement ce premier janvier de l'an! Raki, vin, clopes et un duo d'accordéons bien rôdé. N'oublions pas encore le set de batterie minimaliste que chacun se passe et bat plus ou moins régulièrement. L'un d'eux danse sur sa chaise, un autre me saute sur les genoux en me proposant un bout de côtelette, je crois que notre présence leur plait bien. On ne restera pas trop longtemps hélas car les journées sont longues et fatigantes. Jana, la fille de la famille qui nous a accompagné à la fête et y est restée, peut-être par politesse, se fait une joie de nous conduire à nos appartements. Un autre garage plus sobre, un lit, une voiture et quelques récoltes. J'y dors moins bien que sous tente. J'entends durant la nuit des voix qui viennent de la rue. Nous apprendrons au cours du petit déjeuner que la fête s'est prolongée jusqu'au village voisin. A nouveau, la femme nous prépare à manger puis nous regarde nous régaler. L'impression d'être à l'hotel, en mieux. Tout tranquillement, le père apparait par la porte, seule sa tête n'est visible car il est encore en caleçon et annonce bien calmement en slovène que nos chevaux sont là, devant la maison à manger les pommes tombées. Manisha disparait, je la poursuis et nous trouvons effectivement Tao et Yaméa en plein repas. Manisha se sert de mon écharpe verte pour conduire Tao d'ou il est venu. Yaméa suit comme un mouton. La thèse la plus probable est que Tao aurait cassé les fils à son insu en se faisant chasser par Yaméa. Nous revenons terminer le petit déjeuner et rigolons bien de cette insolite irruption.
Avec une vive émotion, nous quittons le village, tout le monde s'est à nouveau rassemblé pour nous souhaiter un bon voyage malgré les stigmates de la soirée visibles sur certains visages.

Nous évoluons à nouveau sous une légère pluie, juste suffisante pour annuler tout projet de pause agréable. Nous laissons brouter les chevaux le long d'un chemin forestier et, un peu après, tombons sur une ferme isolée. La providence nous envoie le responsable qui arrive en voiture en même temps que nous. Nous passons d'un "non, vous ne pouvez pas manger ici" à une table dans une pièce ou il fait partir un feu, nous réchauffe une soupe, nous offre le fromage d'un collègue, des oeufs et les excellents muffins de sa femme. Il nous dit qu'il est comme ça, qu'il est trop gentil par nature. Il s'exprime dans un anglais sommaire mais efficace, il est touchant. Pendant qu'il est sorti avec son panier en osier chercher les oeufs, je prends le temps de regarder les décorations et m'amuse de voir des posters de chevaux. Manisha en se retournant reconnait aussi un calendrier humoristique sur les accidents agricoles. Fabrice (son ancien patron) avait le même.

Festin forestier
Sourire pour la photo et retour entre les arbres, les lumières sont belles. Au village d'après nous repérons la première ferme et y tentons notre chance. L'homme ne parle que slovène mais il comprend aisément nos questions. Il accoure avec deux belles fourchées de foin qui font plaisir à Manisha. Elle me confesse que le maniement de la fourche lui manque un peu. Nous sommes tous trois muets, sans langue commune pour échanger. Moment étrange riche d'humanité. Sa femme nous rejoint brièvement, elle parle allemand et, en plus de nous offrir un joli bout de gâteau et un thé bien chaud, nous explique que nous pourrons dormir dans la grange. Je suis épuisé et m'endors avant 21h. Dehors, la nuit est agitée, un orage gronde non loin et les chevaux n'ont malheureusement pas d'abri pour y échapper. Manisha dormira moins profondément qu'Haku et moi, inquiète de la bonne santé des braves, et encore plus après l'escapade de la veille.

Tout le monde va bien
Mais au matin, tout le monde est là et semble quand même avoir dormi, debout. Les nuages s'en sont allés, la lumière dore et embellit la forêt dans laquelle nous pénétrons. Tous nous ont prévenus qu'il n'y aurait pas de village durant une bonne quinzaine de kilomètres. Manisha estime moins. La femme nous rappelle aussi qu'en montant on trouvera la neige. Comme il n'y en a pas ici, on rigole mais en fait l'altitude allant, la couche au sol devient significative et rend la progression plus physique. Mais la nature est d'une beauté puissante. Les rayons révèlent des nuées de vapeur et intensifient l'éclat de la neige. Les ombres soulignent le trait des sapins qui montent assez haut, cette ambiance m'évoque un peu la Norvège.
Comme toujours, c'est la cheffe qui gère la carte. J'avance alors presque aveugle et m'enfonce, chaque pas un peu plus, dans une forêt qui change sa prime beauté en austérité de plus en plus palpable. Sur cet étroit sentier, je me sens comme captif d'un tunnel. Un voyage sans retour duquel je suis submergé de la nostalgie des jours passés. Un gouffre abyssale me sépare de Moimacco. Et l'invisible présence des animaux sauvages ajoute à mon état une fragilité de proie. Une proie davantage des éléments que des animaux.

Vaste densité
Après de longues heures, la forêt finit par s'éclaircir, enfin le bruit d'une voiture nous sort de l'isolement. Un petit village, puis un autre ou l'on arrête des passants pour savoir ou passer la nuit. A l'hotel bien-sûr! Curieux, on pensait pourtant que le confinement frappait aussi et surtout les restaurants et hotels. De manière tout à fait officieuse, nous nous restaurons au chaud dans un confort absolu. En guise d'écurie, une maison en travaux dans laquelle nous poussons quelques objets dont un escalier en colimaçon.

Tao n'a pas du remarquer la planche en lévitation car il aurait certainement cherché à la faire tomber
Nous coulons deux jours heureux au sec puis repartons tous reposés et assoiffés de nouveaux horizons. Nous quittons cette vallée et franchissons une petite montagne pour rejoindre la vallée suivante. Notre objectif est de rejoindre Kočevje d'ou je quitterai la troupe. Au sommet de la montagne, nous sortons presque la tête du brouillard. Sur l'autre versant il s'est heureusement dispersé. Pendant la pause, Tao se roule avec ses caisses et casse le crochet de l'une d'elle.

Comme à la maison
De l'autre côté de la montagne, arrivés dans un village, nous laissons pâturer les chevaux sur une minuscule zone d'herbe devant une maison puis un charitable berger nous offre une botte. Il n'a aucune idée d'ou nous pourrions dormir, ce village semble plutôt touristique, les fermes n'y sont plus que vestiges. On croise plus loin un militaire qui s'exclame devant Haku. Il possède lui aussi un berger suisse – qu'ils sont braves ces chiens. Dans le doute nous lui demandons aussi conseil mais il n'est pas du coin. Par contre sa collègue policière l'est, il s'en va la chercher. Un instant de doute s'empare de moi mais nous attendons sagement leur retour. Une voiture se gare, la policière descend et, à notre grand et naïf étonnement, nous demande nos papiers. Manisha est immédiatement agacée, ce qui s'explique aisément: il est presque 16h, la nuit s'installe dangereusement et pour améliorer la situation, de nombreux flocons s'abattent sur nous lentement mais sûrement. Les contrôles s'éternisent, nous déduisons que nous sommes en faute. En effet, il est interdit d'aller de district en district, et cela nous le savions. Mais il semble aussi qu'un séjour prolongé en Slovénie ne soit pas plus admis. Manisha finit par agir, impossible de rester immobilisée ici avec, à sa charge, une ménagerie complète et un amoureux dont le sac de couchage manque cruellement d'épaisseur. L'agent nous assure qu'elle s'occupera de notre sécurité plus tard mais son attitude laisse comprendre qu'elle ment. Je reste donc seul avec ce militaire qui, malgré lui et dans la plus totale crédulité nous a amené la police, et l'agent qui cumule les téléphones pour savoir comment traiter notre cas grave. Finalement, désemparée et à bout de cartes, elle m'ordonne de quitter la Slovénie dès le lendemain. Je simule un air effrayé par les ennuis qui nous attendent et lui certifie que nous ferons ainsi dès le lendemain.
La neige a bien recouvert la route, je m'en vais en direction du village suivant qui selon quelques passants, doit pouvoir nous accueillir. Je parviens à retrouver Manisha qui s'est fait accueillir dans une sorte de garage ouvert. Nous y monterons la tente sur un tas de foin afin de gagner quelques degrés. La soirée est glaciale et ce changement de statut – voyageurs devenus illégaux – me pèse sur le moral.
Le lendemain matin, l'émerveillement efface ces mauvaises pensées. Il a neigé toute la nuit, jetant un voile de douceur magnifique sur notre route. Nous partons sans même revoir nos généreux hôtes qui avaient mis en place une petite stabulation pour les chevaux. Pour mon plus grand soulagement, nous n'avons pas à traverser le village dans lequel nous avions été arrêtés, j'en étais jusqu'alors persuadé et nous imaginais déjà à pas feutrés traverser discrètement le village sur l'unique route qui, j'en étais convaincu, passerait forcément devant le commissariat. A l'inverse, nous reprenons de l'altitude et nous enfuyons par un chemin pédestre couvert d'une bonne quantité de neige. Mes pieds seront mouillés mais je n'ai nulle envie de tressaillir au bruit de chaque voiture qui, depuis l'or, peut s'avérer être une patrouille.
Avec l'arrivée de la neige, je découvre une nouvelle passion de Tao, gratter avec son sabot pour révéler un tapis d'herbe bien juteux. Je crois qu'il insiste autant car Yaméa n'a pas encore bien compris cette technique, elle préfère se tremper le bout du museau. Haku quant à lui est toujours survolté dans la poudreuse. Je me demande d'ou il tient cette infinie force qui lui permet en toutes circonstances de gambader jusqu'au soir.
Nous retrouvons plus loin une route, puis la quittons pour repartir dans la forêt. Magnifique chemin qui nous conduit en plaine, dans un village ou nous croisons une autre voiture de police. Ils ne prètent pas attention à nous, ce qui nous soulage légèrement. Malgré tout je n'ai guère envie de nous éterniser ici. Nous continuons pour trouver une bienveillante famille d'agriculteurs qui retireront le tracteur d'une grange pour que l'on puisse s'y installer. Tristement, et sûrement à case du COVID, nous ne verrons nos hôtes que très peu. Mais nous sommes en sécurité, en tout cas abrités, car le plancher qui se rompe à moitié sous l'un de mes pas ne nous rassure pas totalement. Les chevaux qui dorment avec nous dans la grange répartissent leur demie tonne sur quatre points minuscules.

Ils ne nous trouveront jamais!
Comme chaque matin, je me réveille tôt, lorsque le froid a eu raison de la chaleur générée par mon corps durant la nuit. Cette journée est assez ordinaire, de la neige, des arbres, une pause fraîche avec des chevaux lâchés qui creusent pour manger. Yaméa maîtrise maintenant la technique de Tao. Ce dernier y met tellement de coeur qu'il mélange la terre à l'herbe d'un coup franc et mange de la boue. Comme il lui arrive de manger des cailloux, ce n'est pas si choquant. On passe au travers d'un village moitié habitué moitié à l'abandon. Drôle de décor. C'est à celui d'après que nous prévoyons de rester. Un village sur une colline dominant un petit lac. On arrive à son extrémité sans n'avoir trouvé ni ferme ni indice valable. Manisha insiste auprès d'une famille ravie de nous voir passer avec les animaux: "cela n'existe pas un village sans ferme ou écurie!" déclare-t-elle. Nous ne pouvons pas dormir dehors, insister n'est même pas exagéré, c'est vital. Le téléphone nous sauve, la femme a bien une amie qui, dans ce village, habite à côté d'une écurie. Nous y voilà attendus, l'endroit est très joli, perché au sommet de la colline. Les chevaux, faute de place à l'écurie, dormiront dans le jardin et nous pourrons les surveiller depuis la cabane de plaisance qui s'y trouve. Parfait! Nous sommes accueillis avec un grand enthousiasme, pouvons chauffer l'endroit avec un radiateur-cheminée et se goinfrer de chocolats. Manisha critique, elle trouve la simulation de feu peu convaincante. Au moins il sèche mes chaussettes.

Nous sommes arrivés assez proche de Kočevje et profitons de dormir plus tard ce matin dans un confort idyllique. La femme nous dégotte un point de chute pour le soir! Excellente nouvelle car c'est un village attenant à Kočevje. C'est une écurie dans laquelle Manisha pourra peut-être y demeurer quelques jours en attendant mon bus. C'est en saluant notre généreuse hôtesse que je ressens mieux ce sentiment qui m'était déjà parvenu au contact des gens, ils sont tellement admiratifs de Manisha que je finis parfois par disparaître. Goût amer qui me laisse pensif. Devrais-je changer d'attitude? Prendre davantage de décisions et de place alors que je ne suis ici qu'un passager temporaire? Peu de réponses mais je me rassure en reprenant confiance. Manisha est admirable par sa détermination, je suis déjà fier de trouver la force de l'accompagner par tous les temps et contre toutes les embuches.
Cette dernière journée de marche se déroule – pour changer – dans la forêt. L'équipe est un peu lasse, je sens la fin du voyage s'installer dans mes viscères. En fin de journée, alors que nous n'avons croisé personne depuis des heures, une voiture s'approche lentement. Arrivés à sa hauteur, stupéfaction. C'est la police et ils aimeraient bien consulter nos papiers. Curieusement je suis confiant, le contrôle prend quelques minutes, puis ils reviennent, embarrassés. Que faire de ces deux insolites et de leur équipe incongrue? Après quelques explications, nos papiers nous sont rendus, ils nous souhaitent bon courage!
Nous sortons de la forêt et atteignons Mlaka, notre hôte pour la nuit nous rejoint à l'écurie et s'assure de notre confort maximal. Les chevaux peuvent dormir dans un parc dehors, nous avons droit à une pièce chauffée et il nous invite même à prendre une douche chez lui. J'ai honte, mes chaussettes sentent tellement fort, dans cet appartement bien arrangé, c'est un scandale. Après nous avoir offert quelques crêpes, ce passionné de chevaux nous ramène à l'écurie. On serait bien resté plus longtemps faire connaissance avec sa famille et ses amis mais mon départ s'approche et chaque minute partagée avec Manisha compte comme des journées entières.
Le matin, Manisha se relève sur le lit et scrute par la fenêtre. Il y a de l'agitation. Très vite elle enfile un pantalon et sort. J'observe au chaud. Tao de l'autre côté de la barrière, un cheval dans un box arrivé pendant la nuit, des crottins partout et des traces de sabot dans tous les sens. On n'en saura pas plus. Drôle de réveil pour une drôle de journée faite de préparation et de stagnation.
Vers 15h je monte dans mon bus, Manisha retient Haku qui tente de me suivre. Plus loin je peux leur adresser un dernier regard chargé d'une tristesse m'empêchant toute communication avec mon chauffeur. Je suis seul dans le bus et repars pour Yverdon.

Je vous laisse retrouver votre chère voyageuse préférée et vous retrouverai peut-être au printemps!
Déjà lorsque tu étais à l'école secondaire tu écrivais de chouettes récits, alors je ne suis guère surprise par tes talents d'écrivain, précis, observateur. Un récit rempli d'émotions, parfois drôle, parfois sarcastique. Les beaux jours arrivent et le voyage sera peut-être un peu plus agréable, vous aurez sans doute l'occasion de vous retrouver au printemps. En attendant bonne route à l'équipe et à bientôt pour de nouvelles aventures. Bisous à vous tous, Catherine
Merci Yassin pour les récits de cette belle aventure avec Manisha et ses compagnons, c'est super intéressant et bien écrit ! Bon retour en Suisse ! et sur la RTS, j'ai entendu Manisha raconter son voyage, passionnant et si bien raconté avec une si belle voix et tant de simplicité. Merci ! Bonne suite et bon courage.
Merci, mille merci Yassin!!! C’est très bien écrit et c’est un plaisir de vous suivre dans ce voyage ! À bientôt! Adela Mahesh, je crois que tu vas peut-être prendre le relais des récits pendant quelques jours !!!???
Un grand bravo pour cette magnifique histoire de vie... Triste séparation, mais t'en fais pas, le temps passe finalement très vite et vous vous retrouverez tout aussi vite et encore plus amoureux.... à tout bientôt et gros bisous...
Superbe Yassin, tu écris superbement! Vivement la suite de vos aventures, des becs, Mahesh