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  • Manisha

Užice- Šid, 15 mai au 4 juin

Dernière mise à jour : 15 sept. 2021


Déjà plusieurs mois sont passés mais les souvenirs sont frais de ces trois semaines de marche. C’était le mois de mai, verdoyant et doux, Yassin avait une nouvelle fois laissé la caravane et je retrouvais ma routine solitaire avec plus de facilité que la première fois. Mon serbe s’était pas mal amélioré et je pouvais répondre sans hésitation aux questions des milliers de fois posées: d’où viens tu? Où vas-tu? Es-tu seule? Que pense ta famille? Ect ect...


La traversée du centre ville d’Užice a été plus douce que prévue, nous n’étions finalement pas si connu que ça et l’émeute ne se forma pas.


Nous grimpions dans les collines et allions suivre une petite route souvent non goudronnée pour quatre jours. Nous avons traversé de grandes forêts magnifiques et des prairies qui laissaient apparaître les collines suivantes, peut de villages se trouvaient sur cette route, mais comme c’était dimanche, les citadins montaient à leur maisonnette qui parsemaient la région.


Le premier jour un cycliste m’accompagna un bout et me montra une source à l’écart du chemin. En fin de journée je nous équipais en vitesse, un gros orage se profilait et faisait déjà danser les arbres. Heureusement pour nous, il n’éclata jamais vraiment.


Au sommet d’une colline bien verte, je demandais au berger qui gardait quelques bêtes si je pouvais camper. Il n’y voyait aucun soucis et moi que celui d’être très exposée en cas de gros orage. Ce fut un des plus beaux bivouacs.


La pluie se mit finalement à tomber au petit matin et les galopades des chevaux ne me laissaient pas me rendormir. Je devais cependant être prête à 9h, une documentariste me rejoignait et m’accompagnerait plus de 24h. Ce petit bout de femme pleine de vie, au gros caractère et certainement aussi têtue que moi fut une des rencontre qui marqua le plus mon voyage. Snežana, en plus de devenir une amie fut une vrai aide dans toutes les aventures et mésaventures serbes. Un ange de plus sur ma route.


En sa présence le paysage ne changea pas tant contrairement à la météo. C’est comme ça que nous nous sommes retrouvées à monter le camp sous un déluge, dans une friche avec une jolie vue. L’arc en ciel qui s’en suivit valait toutes les chaussures trempées et c’est avec fierté que j’arrivais à allumer un feu avec du bois dégoulinant, sans papier et sans allumes-feu.


Le lendemain à midi le compagnon de Snežana et un ami voyageur nous rejoignirent et j’us droit à un interview avant leur départ. Je me retrouvais à nouveau seule humaine, avec la promesse d’un documentaire sur la caravane de Sasvim Prirodne, une émission qui passe tous les dimanches sur la première chaîne de la télévision de toute l’ex Yougoslavie.


Après un troisième bivouac avec une magnifique vue sur Valjevo et la plaine infinie qui me faisait peur, j’ai décidé de descendre à la rivière et remonter de l’autre côté, tout en sachant que cela pouvait ne pas être praticable avec des chevau. C’est qu’un contact de Žaklina, un autre ange gardien, m’avait trouvé un Konički klub de l’autre côté de la vallée. C’était chouette de quitter la route et de nous retrouver au bord de l’eau si claire. Nous nous sommes encore pris une belle averse.


Vers un joli bâtiment au bord de l’eau nous avons dû traverser la rivière à gué, puis plus loin encore et encore. Enfin le sentier s’élevait au dessus du lit, nous n’étions plus qu’à quelques kilomètres du village où on nous attendait. Le sentier à flanc de coteau était glissant et je me souviens que je chantonnais: je n’aime pas ce genre de chemin, lalala, ça me fais stresser, lalala... mais le sentier m’ensorcela et je n’eut pas le temps de réaliser la catastrophe, que nous nous retrouvions sur un tronçons en dévers extrêmement glissant où il n’était plus possible de faire demi-tour. Tao se retrouva en une seconde un mètre en dessous du sentier, dans la boue et les branches qui buttaient contre son bât. Je ne pouvais rien faire d’autre que l’encourager et en y mettant toute son énergie il réussi à remonter, en pédalant avant de retrouver un terrain un peu plus stable pour s’arrêter. Yaméa la chèvre avait trouvé technique de marcher quelques centimètres en dessus du sentier afin d’avoir un peu de marge et elle ne tomba pas. Une liane s’accrocha à une caisse à Tao, je me retrouvais à sortir mon couteau pour le libérer. Nous passions un autre passage difficile à cause de grosses pierres flanquées de vide. Enfin, sur un coin un peu moins dangereux j’attachais les chevaux pour m’élancer en repérage. Comme un énorme orage arrivait et que mes compagnons n’étaient pas en très bonne posture, je courais comme une folle sur se sentier infernal, poussée par l’adrénaline. Il était interminable, comportait plusieurs passages dangereux, alors malgré la crainte de repasser d’où nous étions venus je décidais de faire demi-tour. J’essayais de retirer les chaussures à Tao qui me tombait dessus de fatigue. Je laissais la dernière, tentais une manœuvre incertaine pour faire demi-tour et Yaméa fut plus rapide, elle se retrouva devant, en liberté. Je pu alors l’observer, ébahie par tant d’assurance, de volonté et de sang froid. Alors que moi j’étais en panique et que Tao hésitait à chaque pas, elle marchait sans sciller malgré les glissades et nous peinions à la suivre. Tao retomba au même endroit qu’à l’aller, mais parvient encore à remonter. L’orage battait son plein, rajoutant une difficulté, mais Yaméa imperturbable nous mena jusqu’à la rivière où elle s’arrêta enfin. Nous étions trempés de sueur et de pluie, épuisés mais en sécurité, et je nous fîmes une pause sous le déluge et les éclaires.


Nous ne sommes jamais arrivés au centre équestre, le joli bâtiment que nous avions dépassé au bord de l’eau n’était autre qu’une auberge.


Les chevaux restèrent sous la pluie mais se gavèrent d’herbe et je me payais une chambre et un repas chaud, seule dans cette auberge perdue et charmante. S’il n’annonçait pas encore une journée de pluie j’aurais fait un jour de pause, mais les chevaux risquaient d’avoir froid et je préférais nous remettre en route le temps de trouver un abris pour eux. Après quelques kilomètres déjà, un conducteur de taxi me proposa de nous arrêter dans sa grande écurie. Il me donna le nom de la rue et son numéro de téléphone et me laissa réfléchir, car c’était à l’autre bout de la ville de Valjevo, pas du tout sur ma route. Mais comme il pleuvait et ventait, je me décidais à y aller.


Une bonne heure plus tard, dans une zone industrielle mochissime, je cherchais l’écurie en vain. Les propriétés n’ayant pas de numéros, je demandais au rares passants qui m’envoyaient toujours plus loin. Et le téléphone du monsieur ne répondait pas... je fini par abdiquer, amer, et faisais une pause sous un pont.


Snežana vint alors à mon secours et en une demi-heure me trouva une adresse sûre à l’autre bout de la ville. Encore quelques kilomètres plus loin, nous trouvions enfin refuge dans le Poney Celo, le village des poneys. Et cet endroit représente exactement ce lieu absolument mignon, où vivent une vingtaine de poneys dans des petites cabanes, entourées de prairies où trône un lac et sa barque. Mes chevaux, trop grands pour les cabanes, se virent aménager l’abri à foin. La famille m’invita a manger les crêpes, à regarder le dernier reportage sur la caravane à Užice et je dormais comme un bébé dans la plus grande des cabanes du poney celo.


Ainsi se termina deux jours difficiles et déprimants, puisque nous nous étions épuisés à parcourir ce qui représentait 8-10km en deux jours!


Snežana et M. Memedović me retrouvèrent en coup de vent pour une prise. Puis, dans un village on m’invita à boire le café accompagné du loukoum, et pour la première fois depuis longtemps je montais à cheval avec bonheur. Je voulais essayer de faire plus de kilomètres par jour afin de traverser l’immense plaine qui recouvre la moitié nord de la Serbie avant les grosses chaleurs. C’est ainsi que nous arrivions jusqu’à où je rencontrais Marković qui nous acceptait dans son grand jardin. Comme cet homme avait un cœur immense, plein d’histoires à raconter dans un anglais meilleur que le miens, nous restions là deux nuits. Ce fut encore une belle rencontre qui montre que je peux me sentir à la maison partout à condition que l’accueil soit simple et sincère. J’us même l’impression d’avoir un papa quelques instants.


La nuit d’après, dans un village très pauvre où un enfant presque en aillons me rempli mes gourdes d’eau douteuse, je m’installais dans le jardin de Lepovica, une vielle femme d’abord très méfiante puis absolument accueillante. Une bande de gamin m’observa toute la soirée, jusqu’à se que je leur demande de partir.


Le jour suivant nous avions définitivement atteint la plaine infiniment plate et j’en eu tout de suite marre. La chaleur et la sécheresse se faisaient sentir. A Bogosavac une jeune femme qui balade son fils sur son guidon de vélo me propose de passer la nuit chez son oncle. Nous mettons les chevaux dans la grande cour et je suis encore accueillie à bras ouverts. Toute la famille est là car la saison des fraises a commencé, il faut des petites mains pour les ramasser. On me sert immédiatement la soupe de poulet et je me gave de fraises insipides. J’observe les gens en me demandant comment est-ce possible de me retrouver là sur le banc de cette famille pauvre et généreuse. Le voyage est extraordinaire, parfois d’en un sursaut de lucidité j’en prends conscience. Je dors dans la seule chambre de la maison.


Sur la route de Bogatić nous souffrons de la chaleur et de la monotonie des grandes cultures. On me file un sac de fraise, qui sont omniprésentes dans la région.


Arrivés à la petite ville nous nous traînons, je suis lessivée. Entre les petites maisons plus ou moins bien entretenues, j’en vois une abandonnée où le jardin vert accueillerait bien mes compagnons affamés. Je demande aux deux femmes du quartier, elles me disent que ça ne doit pas poser problème puisque le propriétaire vit dans un autre pays. Je croise la voisine qui me dit qu’elle ne sait pas, je décharge, fais le parc, et là le voisin arrive comme une furie, terriblement en colère et me demande de dégager sans quoi il va appeler la police. J’attends de voir s’il y a moyen de discuter et s’il va vraiment appeler la police. Mais sa colère ne faiblit pas et la femme m’explique avec quelques mots d’anglais que le propriétaire de la maison leur a demandé de veiller sur sa propriété. Je comprends que je dois bien partir et je commence à re seller en m’excusant auprès de mes compagnons fatigués quand la police arrive bel et bien. Comme je suis sur le départ ils ne font que satisfaire leur curiosité et s’en vont. Je demande à quelques autres personnes, jusqu’à ce que je trouve un éleveur de moutons à peine un kilomètre plus loin qui accepte de nous créer son pré sans problème. Dire que les habitants et les policiers me faisaient miroiter que je ne trouverai jamais rien par ici... je dors dans le hangar et les chiens errants n’empêchent de me reposer.


Direction le camping de Zasavica où je suis attendue grâce à Snežana. La journée est longue et encore monotone, mais dans les villages il y a souvent de la musique ce qui égaie un peu ma journée.


Snežana nous rejoint pour la dernière heure, elle nous filme sur la route où les voitures nous dépassent à 100 km à l’heure.

Nous arrivons lessivés au camping, mais j’ai de la compagnie et on m’offre le repas au restaurant. Une surprise m’attend, la réserve naturelle de 300 hectares n’est autre qu’un immense pâturage pour plus d’une centaine de petits chevaux, une centaine de vache et d’ânes, de cochons, de moutons... toute un écosystème qui me ravi! Voilà une bonne raison d‘accepter de rester un jour complet. Je passe des heures à observer les troupeaux de chevaux, j’ai la chance d’assister à une bataille de deux étalons qui essaient de se voler des juments.



Je resterai bien une semaine de plus mais nous nous remettons en route, direction Sremska Mitrovica. Nous traversons la ville et trouvons une famille accueillante de l’autre côté.


On m’aide à trouver les bonnes informations pour la douane suivante, ça ne semble pas simple voir impossible d’entrer en Hongrie pour deux raisons: la police ne délivre d’autorisation de voyager qu’en cas de très bonne raison, sinon le pays est fermé à tous étranger. Et la seule douane qui accepte les chevaux n’est accessible que par l’autoroute. La Croatie est plus détendue du côté du covid mais il y a la même problématique pour les chevaux et l’autoroute. Je décide de traverser le Danube sur un bac et d’essayer de passer en Croatie pas une petite douane en espérant que les douaniers ne connaissent pas trop bien le cas des chevaux. Direction la Fruška Gora, la seule colline dans cette immensité plate. Snežana vient une dernière fois m’interviewer et partager un pic-nic avec un ami, et j’entre avec bonheur dans la forêt qui recouvre la Fruška Gora.


Nous trombons par hasard sur une vielle bâtisse qu’on m’explique être une ancienne résidences Tito et puis nous campons sur le franc de la colline à la sortie de la forêt. Le propriétaire du champ voisin ne manque pas de nous rendre visite avec un acolyte, l’agressivité ne dure pas quand il voit que nous n’empiètrons pas sur sa culture. Il repart même en me disant “svakatšast”, qu’on peut traduire par « respect » ou « incroyable ».



Le lendemain matin mon cerveau bouillonne, je réalise qu’entrer en Croatie veut dire entrer en Union européenne et je doute soudain de notre possibilité à passer la frontière. Hors la douane officielle, celle où sont les vétérinaires est déjà en arrière et en m’entêtant à aller plus au nord je prends le risque de devoir passer deux fois le Danube si je dois retourner en arrière. Je décide alors, tout en marchant, de faire demi tour et de tenter ma chance vers Šid, plus proche de la grosse douane.


Nous saluons le Danube et faisant marche arrière entre les vignobles et les champs. Les villageois de Lug m’envoient dans leur ancien terrain de foot et Žaklina, une amie serbo-suisse de mes parents, me rejoint pour la soirée et pour la nuit. Une migraine à crever doublée de mon allergie au pollen n’empêche de profiter de sa présence, mais Haku profite de sa mini chienne en chaleur.


Commence alors une drôle de période, où je stress de ne pouvoir rentrer, où les informations sont si difficiles à trouver et les décisions dures à prendre. Snežana m’aide et contact un ami qui est prêt à s’occuper des papiers et à nous transporter à travers la frontière si besoin.


Je m’arrête deux jours dans un monastère orthodoxe où il n’y a pas de chambre mais un verger où je peux planter ma tente, partager les repas et quelques activités. Je me repose et tente de m’organiser et d’y voir plus clair pour les papiers. C’est une sacrée expérience que de partager cette vie religieuse pour la non religieuse que je suis. J’avais un peu peur de m’y plonger mais je m’étais dit que je ne pouvais pas quitter la Serbie sans être passée par un monastère.


Nous avons passé une nuit juste avant Šid après une journée éprouvante à cause de la chaleur et de la poussière. Un homme solitaire m’a ouvert sa maison et son jardin aux chevaux et, malgré une ambiance un peu ambiguë j’en ai un bon souvenir.


Le 3 juin nous sommes partis pour Šid, j’ai attaché les chevaux devant l’hôpital où je devait faire mon teste covid. En attendant le résultat et au milieu d’une petite foule de curieux, la télévision locale a débarqué. Et puis nous sommes partis pour les 5 km de route en ligne droite jusqu’à la douane, j’étais ultra stressée et Haku s’est mis à boiter, le bitume lui avait brûlé les coussinets.


Côté serbe on me prévient tout de suite que les croates ne me laisseront pas passer. Je demande quand même à leur parler, je laisse les chevaux attachés sous les arbres à côté de la route. Chez les croates je galère à trouver quelqu’un et on me reçoit avec une froideur extrême. Quand quelqu’un qui parle italien vient aider les douaniers qui ne parlent que croate je peux expliquer ma situation. J’insiste, je demande à parler au supérieur, finalement plusieurs douaniers daignent écouter mon histoire et je sens une empathie naissante, mais ça ne suffit pas à les faire s’impliquer. Les lois sont les lois et le reste ne les regarde pas. Je retourne bredouille vers mes chevaux, anxieuse de les avoir laissé si longtemps. Un camion s’est parqué juste à côté des arbres, je retrouve Yaméa toute stressée car Tao a cassé sa corde (pourtant très solide) et broute un peu plus loin. Je craque sous le cagnard qui m’oppresse jusqu’à Šid. Il ne me reste plus qu’à trouver un hébergement dans cette plaine morne pour quelques jours. J’utilise la technique suivante: me rendre au centre, me poster quelque part et attendre que les gens viennent à moi. Répondre aux questions puis poser la mienne. Laisser les gens discuter entre eux et interpeller les passants pour me trouver la meilleure solution.


En quelques minutes il y a déjà une dizaine de personnes qui sont là. Mais c’est Gorana, la vendeuse du coin qui me sert un café et me parle... en français! Incroyable, puis après quelques téléphones elle me donne l’adresse de sa mère où vit actuellement sa sœur. Ils ont une maison inhabitée et un pré pour les chevaux.


C’est comme ça que je rencontre ma grand mère serbe Ljubica, rentrée de France il y a une trentaine d’année, et Svetlana ma sœur au grand cœur qui elle, parle allemand. Et commence une longue, interminable attente et bataille avec l’administration dans la fournaise de ce mois de juin.

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