Inutile de vous dire à quel point le départ de Yassin fut difficile pour moi. Haku aussi montra des signes d’incompréhension mais ça lui passa plus vite qu’à moi. Lui vit dans le moment présent, le veinard. Le lendemain, nous nous sommes remis en route sous de gros flocons. Nous sommes passés à côté d’un petit lac duquel nous avions fait le tour à vélo quatre ans plus tôt. Cela ne m’aida pas à rester dans le présent.

La neige ne cessa pas de tomber, la petite route qui nous menait à koprivnik se couvrait de blanc.

Bientôt les bâches de selles étaient recouvertes d’une bonne couche de neige. La circulation, déjà peut présente s’arrêta.


Nous avons fait une pause sous quelques arbres, après avoir englouti mon repas je faisais les cent pas en écoutant un podcast de Virginie Despentes. Nous avons traversé une longue forêt dans cette ambiance si spéciale. Nous avons dérangé un troupeau de chevreuils qui farfouillait la neige sur la route. Et en arrivant à Koprivnik nous étions tout blancs, tout glacés et nous marchions sur une vingtaine de centimètres de poudre blanche.
A l’entrée du village une ribambelle de gamins et d’ado me regardaient arriver avec amusement. Avec leurs quelques mots d’anglais nous avons pu échanger et c’est escortée de cette troupe et de leurs luges que je suis entrée dans le village. Un enfant a courut prévenir mes hôtes que j’étais arrivée. Grâce à David et à son père, mes deux prochaines étapes étaient assurées. Luka, un grand gaillard beau à mourir et ses deux petites filles m’ont accompagnés à l’écurie où j’ai pu laisser mes chevaux. Il a même construit une barrière de bois car je ne voulais pas laisser mes compagnons attachés toute la nuit comme ça se fait beaucoup ici.

Puis nous avons été voir ses voisins, un couple insolite formé par une ukrainienne pleine de vie et un norvégien pantouflard, qui louaient une chambre. Ils ont immédiatement accepté de m’héberger, même Haku a eu le droit de venir dans la maison. J’ai passé une super soirée, improbable et rigolote.

Il a encore neigé toute la nuit.

Le lendemain, le 11 janvier, il neigeait toujours. Après un petit déjeuner de reine (crêpe extra grasses, œufs, fromage, café), Ljudmila m´a accompagnée à l’écurie.

J’ai perdu Haku pour la première fois, parti jouer avec un chien, j’ai du traverser tout le village pour le retrouver déjà épuisé. C’était un jour spécial, en plus de la neige je devais traverser une forêt et passer une petite montagne. J’avais un peu d’appréhension de marcher en pleine forêt sans trace de voiture pour me guider et rendre la marche moins pénible. Les premiers pas dans la gosse neige m’ont fait douter, et alors que je me disais que la journée sera vraiment dur, une voiture nous dépassa sur le petit chemin. Youpi! J’ai longtemps béni ce conducteur qui traça notre route presque sur toute la montée. Il ne nous restait plus que la fin de la montée et la descente sans traces, je restais très concentrée sur ma carte pour ne pas nous perdre.

Et nous sommes arrivés à une route déneigée sans encombre! Pour la première fois, j’avais chargé Yamea de foin pour midi. Nous avons donc fait notre pause au milieu de la forêt, moi toujours en faisant les cent pas pour ne pas congeler.


Au mini village, j’ai fais une jolie rencontre: une femme et ses deux filles qui étaient si heureuses de rencontrer la troupe. J’ai été saluer leur cheval, elle ont abreuvé les miens et je suis partie. Nous sommes descendus une route extra glissante jusqu’à la grosse route, et j’ai continué jusqu’à Blatnik où je devais passer la nuit.

Là j’ai demandé à la seule personne que j’ai vu, qui ne savait pas de qui je parlais. Alors j’ai essayé d’avoir le contact de mes hôtes, que j’ai appelé. Et j’apprends qu’ils n’habitent pas ce village, comme on me l’avait dit. Ils viennent en voiture m’expliquer la route, je suis déprimée de devoir encore demander plus d’une heure d’effort à mes chevaux. La neige, c’est crevant! Nous arrivons de nuit chez Milan et Biserka a Rožni Dol. Je m’excuse de la sécheresse avec laquelle je leur ai parlé dans le stress, il ne semble pas l’avoir remarquée.
Les chevaux au box, il fait à nouveau -10 degré cette nuit là. Haku et moi dormons dans le restaurant, fermé évidemment, ou une forte odeur de poisson règne. Mes hôtes sont éleveurs et transformateurs de poisson! Et ils ont quelques chevaux, en sont très fiers. Ils m’organisent tout: étapes suivantes, teste covid à Ćrnomelj, ils appellent la douane pour être sûr que je peux passer par celle de Vinica. Je suis immensément soulagée et reconnaissante de toute cette aide.

Le 12 janvier, le soleil est retour. Dans ce décor hivernal je suis émerveillée et heureuse.

Nous descendons la montagne, l’étape n’est pas longue mais je me trompe de chemin et la rallonge. Puis, je vois par hasard que notre route doit passer devant un poste de police. Je le contourne alors habilement, le cœur battant et le sourire en coin de cette clandestinité. J’arrive juste avant la ville, dans une mini écurie où je suis reçue par un gros comité d’accueil! Cette nuit là je dormirai dans la grange, mais on m’apporte du thé, du bois et surtout un jeune couple reste avec moi au coin du feu pour la soirée, c’est super chouette. Ils m’aident également à hisser Haku dans la grange, emballé dans une couverture, car seule une échelle permet d’y monter.

Nous dormons dans la tente afin de gagner un peu de chaleur, il fait -6 cette nuit là. Je n’ai pas froid au corps mais ne sais pas quoi faire de ma tête. Je passe ma nuit à tantôt me geler le nez, tantôt étouffer sous mon duvet.
Le 13 janvier, j’ai rendez-vous à l’hôpital pour mon teste à 9h. Mes compagnons du soir me rejoignent et escortent la caravane dans la ville. J’attache les bêtes devant la tente covid, dis au revoir à mes amis et me fais grailler le nez à une vitesse record. Dix minutes plus tard je suis loin.

Nous traversons une passerelle sur le fleuve, je salue la bravoure et la confiance de ma troupe.

Le soleil me fais plisser les yeux toute la journée, nous marchons dans une campagne agricole recouverte d’une fine couche de neige.

L’étape est assez longue mais nous avançons bien, et je coupe à travers la forêt sur des sentiers presque effacés. Je m’aide alors du gps de mon téléphone, que je n’utilise normalement jamais, et nous arrivons à Marindol.
Là m’attends Ranko et sa famille, ainsi que deux de ses amis. Nous expédions les chevaux dans deux sorte de boxes crades et avec pour seul couchage le béton. On lance une fourche de foin à chacun et on s’en va, laissant les chevaux avec les poules et Haku avec les deux chiennes. C’est la fête ce soir là, j’ai la chance de partager le nouvel an orthodoxe.

Dommage que les trois amis ivres soient assez lourds et pénibles et que l’inégalité de genre soit aussi flagrante et malaisante dans la famille. Je ne me sens pourtant jamais en danger, mais dois remballer sans cesse les trois copains. Nous mangeons comme des rois mais je n’attends pas minuit et ses coups de fusils en l’air pour aller me coucher dans la chambre de la plus jeune fille.
14 janvier, j’attends par politesse que tout le monde se lève pour partager le déjeuner, puis je file à travers la forêt. Je coupe le détour que fait la route jusqu’à la douane croate par les forêts immenses le nez sur mon gps. Mais les chemins de notre cher google maps (qui remplace parfois ma carte Osmand) ne semblent pas avoir été mis à jour et je décide de faire demi tour quand un cerf engueule Haku de l’avoir dérangé.

Je m’engage sur un autre chemin, mais c’est la même galère et je me retrouve à marcher au milieu de cette forêt gigantesque sans aucune trace pendant deux heures. C’est hyper stressant, même si je sais que j’en ressortirai grâce au gps de mon téléphone. Quand enfin la vue se dégage et que je retrouve un chemin je ressens un immense soulagement et une grosse déprime à la fois.
En début d’après midi nous arrivons au pont sur le fleuve qui trace la frontière.

Côté slovène on rigole et on me souhaite bonne chance pour passer côté croate. Les deux policiers croates ne regardent arriver avec beaucoup de sérieux, se préoccupent évidement de mon teste covid en priorité puis de mes papiers. Un aimerait contrôler les papiers des animaux, l’autre rétorque que ce n’est pas nécessaire. Je ris quand Yaméa crottine juste devant le bureau, mais je suis la seule. Je me retrouve a pelleter le crottin fumant sous la surveillance des gardes frontière aux bras croisés. Et nous entrons en Croatie sans encombre!

Dès le premier village, je cherche à ce qu’on puisse s’arrêter. Trois femmes papotent sur le bord de la route, avec mes quelques mots slovènes et des gestes je réussi à leur faire comprendre ce que je cherche. La plus jeune accoure avec une botte de foin, que je charge pour la premier fois sur les caisses à Tao et elle m’emmène vers le terrain de foot du village.

Je construis un parc devant le portacabine du club de foot pendant qu’une petite foule se forme autour des chevaux. Je monte la tente sous l’avant toit mais finalement on m’autorise à dormir dans le portacabine équipé d’un chauffage, du wifi et d’une plaque électrique!

Le luxe, surtout que la jeune femme m’apporte du thé et des fruits, que le grand père ramène une botte de foin pour mes compagnons.


Au matin, la crinière des chevaux est givrée, il gèle dur. Une équipe de personnes âgées viennent faire leur exercice comme chaque matin devant la cabane, et s’amusent beaucoup des chevaux qui les regardent avec des gros yeux.
Ainsi se passe ma première rencontre avec la Croatie et ses merveilleux habitants.
Merci pour ces bonnes nouvelles enneigées... t'en fais pas, c'est bientôt le printemps !
On te souhaite une bonne suite ensoleillée... gros bizzzzzous
Joëlle et sa petite famille.
Coucou Manisha, que du bonheur de suivre tes Aventures. Ça me fait tellement plaisir de te sentir bien, dans ton voyage et dans tes bottes.
Chaque fois, je me dis, que voyager à velo, c est bien plus simple.
Mais toi, ce que tu perds en simplicité, tu le gagnes en rencontres et quelles rencontres ! Lorsque le chemin est difficile, de trouver des gens chaleureux, le soir, ça te requinque le moral et le moral c est le plus important...hein!
Merci de me faire voyager en ta compagnie.
Je te souhaite encore plein de belles aventures !
Plein de gros bisous
Olivier
;-) !