Je dois aussi parler de minarets, de maisons, de dindons, de chiens.
Je ne me sens appartenir à aucune religion, mais je suis amoureuse des muezzins. J’ai souris et je me suis tue à chaque fois que j’avais la chance d’en entendre chanter un.
Ecouter Muezzin a deux voix et Muezzin saturé
Pour ce qui est des maison, certaines sont vraiment rigolotes. A ce que j’ai compris les impôts sont moindres quand une maison n’est pas tout à fait terminée, et d’autre part les albanais aiment prévoir un futur étage. Et dès que la famille a un peu d’argent, la maison devient énorme et kitch, mais comme il est trop cher de chauffer toutes les pièces tout le monde s’entasse près du fourneau.
J’adore les dindons, et il semble s’être le symbole de la region d’Elbasan.

Enfin, les chiens me font pitié. Il y en a absolument partout, toutes les familles en ont au moins un, mais à coup sûr il est attaché à sa niche toute sa vie. Les chiens errants ont plus de chance, mais se prennent régulièrement des jets de pierres. Et les chiens terrorisent les albanais, ce qui m’a posé des problèmes avec mon gros chien blanc. J’ai rapidement appris à dire “il me mord pas” sans quoi tous, hommes femmes et enfants changeaient de trottoir ou se réfugiaient dans une cour à notre arrivée. Pourtant je n’ai jamais eu de problèmes avec les meutes de chiens qui nous courraient dessus, et Haku est devenu inattaquable. S’il se sentait agressé il courait dans les pieds des chevaux dont les chiens se méfiaient. Et dès la tension relâchée il allait se faire de nouveau amis, prudemment. Il s’est fait mordre une seule fois.

Après avoir longé l’adriatique du nord à Tirana par les plaines, nous sommes passés par les collines entre la capitale et Elbasan. Une region juste magnifique.
A Cerrik, juste avant Elbasan, je me suis mise en quête d’une place pour quelques jours, les tendons de Yaméa étants inquiétants. Un couple anglais missionnaire chrétien est tombé sur mon chemin, et je ne sais pas si se sont leurs prières ou leur efforts qui ont exaucé mes vœux mais ils m’ont trouvé un lieux parfait pour toute la caravane. Deux anges sur ma route. Nous somme restés une semaine dans un immense domaine agricole dont l’activité principale était la pépinerie, mais qui avait aussi des chèvres, des moutons, un cheval, des poules, des grandes cultures. Le riche propriétaire étant parti à Dubaï, il m’a laissé son bureau dans lequel je dormais. J’ai pu créer des liens avec les travailleurs qui étaient là toutes la journée et tous les jours, ainsi qu’avec le gardien de nuit qui patrouillait un fusil à l’épaule. Un grand gaillard timide, gentil à l’extrême qui me répétait sans cesse que je pouvais dormir sur mes deux oreilles sans penser que je pouvais avoir peur de lui. Alors que les tendons à Yaméa ne désenflaient pas malgré les soins et les bains de pieds à la rivière, c’est la vétérinaire qui après quelques échanges m’a donné le feu vert pour repartir: pas de tendinite mais une dilatation des artères, rien de grave.
Nous repartons vers l’Ouest, dans les montagnes. C’est un moment spécial car nous avons atteint le point le plus au sud et prenons doucement le chemin du retour. Après quelques jours sous la pluie et sur une grosse route, nous grimpons le col qui mène à la frontière macédonienne. Mes jambes s’en souviennent, il m’avait tant fait souffrir sur mon vélo quelques années auparavant.
J’arrive à la douane perchée à 1000m d’altitude confiante, et c’est la douche froide quand on me dit que je ne peux pas entrer en Macédoine avec des chevaux venant d’Albanie. J’insiste, demande à parler au vétérinaire qui a donné son verdict. Comme rien ne bouge je reste là, menace de planter ma tente devant le bureau le temps qu’il faudra. Ma force est qu’il y a de l’herbe là haut. Après une longue attente le chef vient me parler puis le vétérinaire. Le problème étant une grave maladie équine présente en Albanie, l’anémie infectieuse, je propose toutes les solutions: teste sanguin, quarantaine, vaccins. Rien n’est envisageable et je décide de passer la nuit là. Dans les vieux bâtiments de duty free abandonnés je trouve une grande pièce qui pourra tous nous abriter de la pluie et du froid annoncés. Sauf que des chiens ont certainement été enfermés là, le sol est couvert de merde. Je racle tout mais je ne m’habituerai jamais à l’odeur. Autant dire que la nuit a été affreuse, entre les préoccupations, les chevaux qui glissaient sur les dalles et qui n’avaient rien à manger à part un sac de luzerne que j’avais mis une heure à récolter.


J’ai le moral dans les chaussettes, je poireaute encore le lendemain en attendant la réponse des amis qui essaient de m’aider. Mais ils ne peuvent rien pour moi et je ne rêve plus que de me casser de cet endroit si glauque. Les albanais menacent de ne plus me laisser entrer, j’attends avec des chevaux électriques à cause du froid et des rafales de vent. Une fois passés un homme m’offre un café, ce petit geste me réconforte tellement. Mais les quelques kilomètres sur les crêtes avant le col est une épreuve, le vent est extrêmement violent et arrache la bâche à Yaméa, qui panique. Chaque pas est une lutte, mais nous atteignons le col et redescendons lentement, sous la pluie. Au pied du col nous sommes reçus comme des rois, tout le village se mobilise pour que nous soyons au mieux.

Nous marchons encore quelques jours sur nos pas, jusqu’à Librazhd où les gérants du parc national me prennent sous leurs ailes. Puis nous partons pour quatre jours de montagne, magnifiques mais difficile car peut habitées et sans herbe. Nous traversons des paysages minéraux, les roches sont de toutes les couleurs. Je me sens parfois seule au monde sur la route de cailloux.
Nous découvrons un village à l’écart de la route où les voitures n’existent pas, les villageois se déplace à pieds et a cheval. Il n’y a pas une seule route, seuls des sentiers serpentent entre les maison.
Nous logeons dans le village voisin, où les voitures circulent mais où il n’y a peut-être jamais eu un seul touriste de passage. Nous sommes évidemment une attraction, les gens se battent pour nous inviter. Je choisi de suivre la seule femme, mais je vais quand même boire le café avec l’homme qui m’avait trouvé trouvé une première place, puis je jongle entre la maison de Luma, la jeune femme et celle de son cousin. La femme du cousin nous prépare un festin, et les familles se mettent d’accord pour que je dorme là, il y a une petite pièce avec un lit. Il faut dire que ces gens n’ont pas grand chose, on me dit que dans ce petit village reculé il n’y a pas de travail. Mais ils m’offrent tout et plus encore. Cependant, le cousin boit et quand Luma retourne chez elle son comportement devient insupportable. Je passerais les détails de la fin de soirée mais ça n’est pas rigolo, bien que personne ne me fasse de mal.
Au matin cet homme s’excuse, il a conscience de son problème d’alcool. Je repars avec un sentiment de pitié, je me sens à nouveau tellement privilégiée d’avoir la vie que j’ai. L’homme avec qui j’avais bu le café, Vullnet, me déclare sa flamme quand je quitte le village, avec beaucoup de respect et de réserve. Nous redescendons en plaine avec un drôle de sentiment.
Dans un temps maussade nous marchons jusqu’à Peshkopi, que nous traversons pour aller nous reposer chez Vladimir qui tient une guesthouse. Pendant ces deux jours le long des montagnes les lumières changeantes nous forcent a changer régulièrement de tenue et nous dévoile les plus beaux contrastes. Une nuit de grande pluie je loge dans un hôtel, les chevaux et Haku dehors. Cela me vaudra une mauvaise nuit de soucis, et des soins à prodiguer les jours suivants à Yaméa qui tousse et à Haku qui s’est fait mordre. Haku le douillet se méfiera de tous les chiens pendant quelques temps et me détestera de le soigner.
Papa, deux jours avant mon Peshkopi m’annonce son arrivée... deux jours plus tard! Quelle surprise et quelle joie, et je n’ai pas cette longue et incertaine attente comme lorsque quelqu’un me dit qu’il me rejoindra peut-être le mois prochain. Il nous rejoins chez Vladimir où nous nous reposons. C’est donc lui qui racontera la dernière semaine passée en Albanie.

Comme la première fois, l’Albanie est mon coup de cœur. Je sais que j’y retournerai.
Merveilleuse Albanie mais pas toujours facile!
Merci, Manisha!
Le fer à cheval en plastique, je suis sûr que c'est un fer disco, quand tu marches dessus il s'allume !