Albanie, terre de contrastes!

Ça faisait déjà un petit moment que, en parlant à Manisha au téléphone, je grillais d'envie d'aller la retrouver dans ce pays qu'elle raconte si bien. Alors profitant du fait qu'elle se soie fait refuser en Macédoine et d'une fenêtre libre dans mon calendrier, je me décide d'aller l'y rejoindre.
Aïe, je vais me faire tailler les oreilles en pointe par certains, 2 x en avion en 2 mois... C’est la faute aux macédoniens, ils avaient qu’à la laisser passer, nanana.
Easyjet va à Tirana pile la date que je pensais et revient de Pristina / Kosovo une semaine après, juste comme je le voulais. Pas besoin de test pour l'Albanie, voyage simple !
La douanière à Genève me questionne : Pourquoi allez-vous en Albanie ?
Pour retrouver ma fille et la caravane silencieuse, pardi !
Vol magnifique sur les îles croates, voyage plus que magnifique de Tirana à Peskopi en minibus, le chauffeur un artiste, qui évite nids de poules, poules, accidents, gère les velléités et vomissements des quelques 20 passagers... tout ça à fond les manettes. Le paysage est sublime, le printemps dans des montagnes de couleurs, des rivières, des lacs, le coucher de soleil, les montagnes flambent ! Jamais vu un truc pareil de ma vie...
Quand je retrouve Manisha chez Vladimir qui tient une petite guest house, il fait nuit depuis longtemps.

Elle m'a attendu pour souper, ouf, car c'est vrai que je n'ai encore rien mangé de la journée. 3 légumes, du pain blanc de chez blanc maison, du fromage blanc maison, et pour moi de la viande bouillie, avec un verre de vin rouge, ce sera le seul vin que je boirais, ce n'est visiblement pas dans la culture albanaise. C'est normal, la plupart sont musulmans. Après un bon dodo, je réapprends les gestes que j'avais appris en Bosnie. Tout ranger à la bonne place, équilibrer les chargements, charger (je n'ai jamais accepté de sangler, moi qui arrive à faire des nœuds avec un simple bout de ficelle, imaginez avec un ramassis de sangles...) et c'est le départ.
On prend un chemin (je l'appelle nationale 7) que nous suivons pendant 3 jours, direction Kukës. Superbe, sinueux et montagneux à souhait.
Nous suivons un fleuve semble-t-il mythique aux Balkans, le Drin noir.

Dans un paysage sauvage, nous traversons de minuscules villages, les rencontres sont rares, les enfants à l'école, les femmes aux champs où aux fourneaux, les hommes aux champs ou au bistrot. La terre est rouge, bleue, noire, violette, c’est tellement beau !

Arrêt dans un mini marquet où, après avoir interrompu une partie de billard (dans ce hameau, les hommes jouent au billard en plus de boire café raki!) on dégotte un cahier pour Manisha, un stylo pour moi, du riz et une sorte de mortadelle pour Haku. Plus loin, en contrebas dans un champ, un homme vide des corbeilles de fumier, remonte sur une mule et nous rattrape.

Et là, éclat de rire, il nous met illico...sur... Facebook !

et s'en va continuer son travail. Les vaches curieuses font un bout de chemin avec nous.
A la pause de midi, un berger muet vient nous observer, rejoint bientôt par son troupeau.

La fin de journée pointant le bout de son nez, on cherche un coin pour la nuit. La seule maison au bord de la route nous éjecte, y'a bien d'autres fermes là haut, tout là haut, plus le jus d'y grimper. Alors on continue et au sommet d'une montée, une ruine nous accueille.


La pluie arrive, fait un froid de canard, le vent s'infiltre partout, l'herbe est rase, plus que rase. Pendant que Manisha fait un parc immense à double fils, je dégage les gravats d'un endroit sec et monte la tente. C'est glauque, mais ça va. Puis on cherche du bois et dans le coin d'une autre pièce, on se popote sur le feu le riz, 2 carottes avec oignons, avec un bout de fromage suisse, le luxe !
La pluie se transforme en grésil, Manisha met son réveil sur 1h30 afin de rentrer les chevaux dans une autre pièce où la porte le permet pour pas qu’ils se les gèlent exagérément, et on se couche. Le réveil a bel et bien sonné, elle a mis sa doudoune ses souliers, a été cherché et rentré ses chevaux... Quel courage...
Au lever, on s'enfile un bout de pomme et Ragusa et c'est le rangement. Je plie la tente, fais la vaisselle à une petite source puis embobine un des 2 fil, le plus simple. Après c'est Manisha qui fait tout le reste, je suis congelé, plus capable de ne rien faire.
Mon espoir renaît,

il semblerait que y'a un mini marquet en bas, vers le fleuve. Et y'en a un, avec feu de bois, plein d'hommes au café raki ou à la bière, on essaye de se communiquer parmi, buvons un café et c'est réchauffés que l'on repart non sans avoir provoqué l'attroupement traditionnel...

Y'a un pont suspendu qui a l'air tout neuf là en bas et comme on doit traverser le fleuve et que la route part à perpette, je propose de le prendre. Dégringolade jusqu'au fleuve, je m'y lance avec Yaméa, ça tangue à qui mieux mieux, elle me suit, mais arrivé au bout de la 1 ère partie du pont, je me rends compte que non, les planches sont pourries... J'essaie de faire tourner Yaméa entre les trous, Manisha vient à ma rescousse, fait tourner sa jument qui glisse et manque de justesse de passer en bas... Bref, essayé pas pu, un shoot d’adrénaline mais pas de mal! Pas de photos, bien sûr, dans des moments comme ça, c’est la dernière chose à quoi on pense…
La plaine côtière est douce sous nos pieds,

le pont de quelque part à perpette est praticable, plein de trous mais les camionnettes y passent.
Remontée sur l'autre rive,

autre point de vue sur cette belle vallée que nous avons le privilège de parcourir !
Montée sous la flotte au col, sous le grésil en haut, au milieu de roches multicolores, prés vert indécents, arbres en fleurs, pause broute broute


(Manisha est souvent sur son tél, car pour trouver sa route sur une carte à moitié téléchargée, c'est pas coton...)
et on plonge dans la vallée.

Voici le temps de trouver un plan nocturne.

Ça sera un ancien complexe militaire qui nous accueillera. Un gars montant un petit cheval une tronçonneuse dans une sacoche nous précède dans une pente telle et Rock'n roll que j'arrive sur les genoux et haletant en haut! Il nous indique dans un des bâtiments un vieux tas de luzerne sèche (recouvert de gravas), un délice pour les chevaux !
Ouf, on choisit notre chambre,

notre écurie,

transportons suffisamment de luzerne pour nourrir les sempiternels affamés et pour nous faire un bon matelas douillet ! Pas de montage de tente, pas de parc à faire, le luxe quoi ! Petit repas sur le feu, Haku a droit à une bonne platée de riz aromatisé à la sardine pimentée, ce qu'il raffole, le lendemain il lèche et relèche l'endroit où on avait vidé l'huile.

Départ sous un ciel changeant, fait froid et le moral est au beau fixe, lui!
Passage d'un pont impeccable, tellement impeccable que je peux prendre une photo.

Idem que la veille, pause Wi-Fi/café au col où un gars veut regarder les dents de Tao (attaché à un avant toit) qui s'énerve et risque de tout arracher. Le gars se fait brosser par Manisha et on finit notre café tranquille. Au passage on achète du chou, et du poulet pour Haku, enfin de la viande !
A midi, pause dans un cimetière, eh oui, y'a de l'herbe et il ne pleut pas. Le propriétaire de la concession nous demande de bien refermer le portail en partant, pour que "des mauvaises gens ne puissent pas y entrer".

Plus bas dans la vallée, on trouve du foin et on s'installe dans un ancien Kombinat (halle industrielle) qui pisse de partout, au milieu de la décharge municipale.

Un militaire vient nous voir, m'offre un drapeau albanais et m'invite à boire une bière. Il m'offre du bois trempe pour notre petit feu. Le muézin de la mosquée d'à côté n'est pas terrible, et comme c'est ramadan, il chante à tout moments... On se couche, les bandes rivales de chiens s'aboient pendant toute la nuit, quand l'un d'entre eux aboie à l'entrée de notre logis, ça résonne...
Une mauvaise nuit plus tard, on s'en va pour Kukës.
Suit… une mauvaise journée!
Il pleut il pleut... La plaine est longue jusqu'à Kukës, la dernière ville avant le passage au Kosovo où on arrive pourtant tôt ! Après avoir suivi une interminable ligne droite sur le bitume (ça fait drôle !) Manisha trouve pas ça très marrant, et je me permets de lui causer des plaines de Hongrie qu’elle va traverser ! Comme on doit se faire crouiller le nez (mesures sanitaires obligent), il faut qu'on s'arrête dans cette ville. On a à faire avec un gars qui parle anglais, super gentil, mais d'une indécision totale. Comme il ne sait pas si il peut, veut nous accueillir, au bout d'un moment on repart. Manisha arrête un camion de bottes de foin, en deale 2, et notre indécis revient, il a parlé avec sa femme et peut être qu'on pourrait venir chez lui. Visite faite, pas de place pour les chevaux. On se dirige vers une maison que dis-je un palace en construction. Manisha n'est pas chaude de s'y installer, moi si ! On s'installe dans le futur restaurant au rez, vue sur le lac, magnifique ! Sauf que, les chevaux débâtés, le parc fait entre les colonnades, un coin dûment balayé pour la tente, voilà t'y pas que les proprios débarquent ! La femme pas contente veut appeler la police, l'homme amusé m'offre une cigarette et m'aide à remplir les sacs de foin (on avait déjà déballé une botte), Manisha défait le parc, oui on s'est fait virer et on doit partir... Coup de bol, ni Yaméa ni Tao n'ont crotté sur la dalle... On recharge et nous retrouvons notre gentil indécis qui nous accueille. C'est une famille souriante et douce. Les chevaux passeront la nuit dans un ancien bâtiment militaire non loin de là, et nous pourrons squatter une remise avec une cuisinière et une cheminée, le luxe quoi ! Sauf que... quand on revient après avoir installé les chevaux, on nous dit que ce n'est pas possible de nous installer dans la remise... Il fait nuit noire quand nous rarrivons vers les chevaux avec sacs de couchage et tapis de sol, je rebalaye de la poussière, des crottes et briques de verre, on mange un bout de pain pommes fromage, Haku l'autre bout du poulet de hier et voilà t'y pas que notre indécis arrive, nous dit qu'il a fait des "mistakes", il s'excuse et nous prie de venir chez lui, la chambre est prête... Sauf que nous on était installés... Manisha lui rétorque de garder ses excuses, nous on dort. Et on a bien dormi !
(Petit aparté : je me suis tellement reconnu en cet homme tellement gentil et tellement indécis que j'en ai de la peine pour lui ! Ça m'a donné la furieuse envie de me débarrasser de cette tare, alors au boulot !)
Et le beau temps revient!

Dernière journée avec la caravane silencieuse, elle fut belle !
(Si on excepte le curage de nez, test rapide à l'hosto de la ville, pas possible d'y faire un
« grand »).
Vers 11 h, tout est rechargé, il fait un temps d'avril avec ses lumières si belles. Départ pour longer l'autoroute qui mène à la frontière.

Le chemin est parsemé d'embûches, on descend au bord du lac, on s'élève à nouveau dans un paysage à couper le souffle.

Les petits chemins, les prés, les roches, les ânes, vaches...

Quel pied! On monte, on descend.


Un paysage incroyable s'offre à nous. Montagnes multicolores, ruisseaux multicolores, sans doute un coin d’extraction minière.


On est parti tard, mais on a finalement bien avancé. Un village, un bistrot, ça parle allemand, un gars nous offre du foin, un autre l'hospitalité. Et en un claquement de doigt, nous voici installés, nourris, caféinés, rakisifiés ! Manisha est heureuse, j'ai enfin eu droit à l'hospitalité joyeuse albanaise. Ils vivent en famille, ont presque tous un jardin, un verger, des poules et une vache, et mangent donc local, que dis-je, familial! Le yogourt, fromage frais, patates, raki, jus de raisin à peine fermenté, le lactoferment de courgettes et tomates, le pain, tout du fait maison ! Le smig en Albanie est de 8.- par jour, alors on se débrouille... Avec le sourire s'il vous plaît ! Quelle merveilleuse soirée j'ai/on a eu droit ! Une douche, une chambre (le père a dormi au salon sur un matelas et le fils à la salle à manger, nous sur leur lit...)

Après la douche il est de bon ton que les jeunes filles de la maison fassent porter leurs habits à leur invitée...!
Le matin, après un café, j'ai bouclé mon sac, serré très fort ma fille dans mes bras et ai quitté la caravane silencieuse. Suis descendu au bord de l'autoroute, trouvé une voiture qui pour quelques euros m'a permis de passer la frontière, et de m'amener non sans mal à l'aéroport de Pristina, seul endroit à ma connaissance pour faire ce foutu test obligatoire... Oui je retourne déjà en Suisse... Je disais non sans mal parce que le chauffeur ne désirait pas comprendre que je voulais aller à l'aéroport de Pristina (il ne me parlait que de celui de Kukës !) et après avoir poirotté une petite heure à la police de Pristina après s'être parqué dans l'herbe au milieu d'un rond point (le monsieur devait avoir quelques ennuis, ce qui ne m'étonne pas vu la vitesse et la manière de conduire sa vw dont le compteur qui ne fonctionne plus affiche... 463.678 kms...). Une jeune étudiante a traduit, merci à elle, que j'allais à l'AEROPORT ! Alors on est reparti, il ne pouvait pas lire les écriteaux, alors je l'ai guidé jusqu'à ce foutu aéroport, qui se trouve à des bornes et des bornes de la ville.

J'y ai fait mon test, et depuis je poirote en attendant mon avion demain tôt. Alors que fais-je ? J’écris ce post attablé dans un petit bouiboui du village d’à côté.
Et je reçois cette nouvelle : Manisha a passé la douane quelques heures après moi, et elle me dit :
"Les indécis se généralisent ici, mais le propriétaire du pré où je me suis installée est compréhensif, il ne nous a pas viré !"
Vol de retour sans encombre, survol du Cervin, et arrivée à Genève scotchante : La douanière qui contrôle mon passeport me regarde et me dit : « J’vous reconnais, c’était bien l’Albanie avec votre fille ? »
quelle aventure ! merci pour ton partage Mahesh ! et bonne suite à toute l'équipe !
Merci pour ces incroyables aventures ! Bonne suite et mille bisous
Fantastique, merci Mahesh, j’avais hâte de te lire!